— C’est de la musique de vieux, genre, ça…
— C’est de la musique du futur, donc.
Mot-clé - Écris !
Croisement dans un monde covidé
C'est comme le retour du printemps. En avance. On a beau n'être qu'à la mi-janvier, la lumière est là, après des semaines d’absence. Même rasante, sa seule présence est chaleureuse. On ne supporte déjà plus ni ses gants ni son bonnet, restés dans les poches, quand bien même il neigeait ici même deux jours auparavant.
Fin de séance sale pour Facebook
Chez Facebook, pour indiquer la fin d'une séance vidéo, on affiche le dessin d'un pot de pop-corn renversé par terre, un déchet abandonné par un public sale qui fait sous lui.
D'un album photo
« Sont-ce ses enfants ? » Difficile à dire au premier coup d’œil, en tout cas ça ne saute pas aux yeux. En a-t-elle ? Oui. L’un d’eux l’embrasse sur la joue et elle en grimace de joie, sans doute surprise, tandis que les deux autres posent devant elle plus sagement.
Moins de soleil aujourd'hui
Au parc d'Holland l'arpenteur,
Un jour d'été plus en avant,
Même banc, à midi, même heure,
Moins de soleil sur ce banc.
Provocation
– Bonjour, c'est pour une provocation...
– Allez-y.
– …
Rencontres
Jacmel
– Apa li pati!
– Et alors ? De qui parles-tu ?
– Le gars-là, le jakopievèt...
– Hum... pas remarqué.
Et il se resservit. C'est vrai que ce soir-là, c'était pas petite affaire, en tout cas. Les hôtes avaient préparé tout ce qui pouvait les réjouir en matière culinaire : plats typiques ou inconnus, kibi des Syriens, konparèt à la noix de coco, certains servis dans des kalabous, des fruits comme le savoureux chadèk. Et à boire : délicieux boubouy, mabi qui faisait retourner la tête et pour les soulads, on n'avait pas oublié les begas.
Noir, blanc, rouge
Noir sur blanc sur noir sur blanc sur noir.
Stroboscopiques
Elles aspirent leurs congénères,
Ces pupilles sur blanc sur mascara sur chair sur chevelure sombre
Stop
Crêpes salées
– Qu’est-ce que tu as? Tu en fais une grimace… Tu n’aimes pas? »
– Si, si, c’est juste… un peu salé... »
– Et? T’aimes pas? »
Silence? Moteur!
Silence, attente...
Attente dans le silence.
Et c'est la déception et l'amertume.
Et c'est le dégoût puis la colère...
Buzzwords
Texte de 2008
Deux hommes d’affaire à cravate dans un café montréalais ou ailleurs... L’un explique un nouveau projet informatique à l’autre qui sirote son café les épaules basses et l’air très concerné. Les mains du parleur assurent une chorégraphie sans surprise mais pourtant si importante sur une musique dont la monotone monodie appuie sur les grands classiques : « systémique », « maillon », « couche technologique », « application », « Microsoft », « fédéral », « provincial », « mesurable », « vérifiable », « nouveau paradigme », « indépendamment de l’outil », « sécurité », « la compétition »…
La place
– Messieurs, je nous ai réunis aujourd’hui pour nous entretenir des moyens d’investir la place que vous savez. Il n’est plus le temps de tergiverser, ni d’évoquer la nécessaire patience de travaux d’approche. L’audace sourit aux audacieux et… euh… la fortune ricane des… velléitaires et des... procrastinateurs!
– Fort bien, fort bien, Monseigneur. Votre farouche volonté est légitime ainsi que votre envie d’en découdre, toute naturelle. Cependant, voyez-vous, il serait bienséant de nous rappeler la mésaventure de la fois précédente, où nous nous brûlâmes…
– Ce sera différent cette fois!
– L’âme, trop ardente encore…
Critique de la critique
Écoutant un édito critiquant les éditorialistes critiquant un événement :
— Pfff ! La critique de la critique...
Au 40 de l'avenue
« Moi, je suis Napoléon, et toi, Lafayette. » ou bien avions-nous choisi chacun pour soi-même nos noms de code ? Pour moi, je l’avoue, c’était d’abord une référence aux deux chiens des 101 Dalmatiens, même si j’avais une vague idée du Lafayette original et que porter son nom avait du panache. Mais je comprenais aussi que pour Fabrice, il y avait quelque valeur supplémentaire à prendre le nom de Napoléon — que je connaissais beaucoup moins bien alors — et qu’il avait pris la meilleure part dans ce partage.
Y en a un seul !
Un samedi matin, au collège du Bel-Air, en contrôle d’histoire portant sur la Première guerre mondiale. La veille, hébergé chez des voisins, j'avais passé la soirée à étudier les opérations militaires plongé dans un très gros et très vieux livre d’histoire aux pages odorantes et aux illustrations collées et protégées de papier de soie.
Déconfinons
Miroir souterrain
Le métro part, son fracas s’éloigne, dévoilant le quai d'en face et elle, seule sur ce quai.
Il se lève, ils se font face, séparés par la fosse des rails. Ils se regardent, se sourient, mi-gênés mi-amusés. Ils ne bougent pas. Elle semble attendre. Il attend aussi.